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Le couvre-feu est-il une forme de détention ? – LA PRESSE

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PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le couvre-feu imposé par Québec dans le cadre de la pandémie s’apparente-t-il à une forme de détention ou d’incarcération déguisée qui viole libertés fondamentales ? C’est en substance la question à laquelle la Cour supérieure a été appelée à répondre mardi, dans le cadre d’un recours financé par une association fermement opposée aux mesures sanitaires.

Pour une deuxième fois depuis l’adoption du décret interdisant aux Québécois de sortir entre 20 h et 5 h, le tribunal a été saisi mardi d’une requête qualifiant le couvre-feu de « draconien » et « disproportionné » par des plaignants. Une première contestation, pilotée par l’avocat gatinois William Desrochers, s’est soldée par un échec la semaine dernière.

La nouvelle démarche, entendue par la juge Sophie Picard, est une demande en habeas corpus, un recours qui vise normalement à examiner de façon urgente si la détention d’une personne par ordre des autorités est justifiée. Les plaignants allèguent que le couvre-feu est inconstitutionnel parce qu’il viole, selon eux, leur droit à la liberté ainsi que leur droit de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire, prévus aux articles 7 et 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Les frais de leur poursuite sont financés « à 100 % » par la Fondation pour la défense des droits et libertés un peuple, un OBNL qui a récolté au cours de l’été près de 500 000 $ auprès du public pour contester les mesures sanitaires du gouvernement. Cette fondation, qui rejette le qualificatif de « complotiste », comparait cette semaine sur Facebook le port obligatoire du masque en France à un « génocide organisé » et promettait que les « criminels seront jugés en temps et en heure » au Québec et en France.

L’équivalent d’une « détention à domicile »

L’avocat des plaignants, MDominic Desjarlais, a plaidé que la portée réelle du couvre-feu équivaut, selon lui, à une « détention à domicile (house arrest) », ce qui devrait pousser la Cour à entendre sa demande en habeas corpus rapidement et sans « faire preuve de preuve de formalisme et de rigidité ».

 

« Il faut qu’il y ait une forme de détention ou de garde qui a été ordonnée [pour que la Cour considère une demande en habeas corpus]. On n’est pas du tout dans ce spectre-là [avec le couvre-feu] », a insisté l’avocat du procureur général, MPierre-Luc Beauchesne. »

Pas de précédent en temps de pandémie

« Il n’y a pas de précédent [juridique] sur une situation de couvre-feu en temps de pandémie, lui a répliqué MDesjarlais. C’est une situation inédite », a-t-il ajouté, invitant la magistrate à élargir l’interprétation très restrictive que font normalement les tribunaux de l’habeas corpus.

« Sur 370 millions de personnes en Amérique du Nord, il n’y a que les 8,5 millions de Québécois qui vivent présentement sous un couvre-feu, a renchéri MDesjarlais. Ça prend quoi comme restriction aux libertés pour qu’on puisse s’adresser au tribunal pour être libéré de ces restrictions draconiennes ? Il faudrait être forcés à demeurer à la maison 24 heures sur 24 pour justifier une telle démarche ? », a-t-il demandé à la juge.

La juge Sophie Picard, appelée pour le moment à se prononcer uniquement sur la demande de rejet des avocats du gouvernement, devrait rendre un jugement écrit au cours des prochains jours. Le Procureur général du Québec estime que l’affaire devrait plutôt être débattue dans le cadre d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire, une démarche de nature moins urgente qui pourrait être entendue au cours des prochaines semaines.

La Cour d’appel du Québec a déjà rejeté, en mai dernier, une demande en habeas corpus semblable plaidée par l’avocat Jean-Félix Racicot. Sa contestation visait à mettre fin aux mesures de confinement, mais ne s’est pas attardée à la question spécifique du couvre-feu, qui n’était pas en vigueur à ce moment-là.

SOURCE: LA PRESSE