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«Elle voulait sauver le monde» – La Voix De L’est

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Jean-François Guillet
JEAN-FRANÇOIS GUILLET
La Voix de l’Est
 
 
Au fil des ans, Dre Karine Dion a sauvé bien des vies. Mais, ce ne sera plus possible, car la pandémie a fait basculer la sienne. La pression qu’engendre le virus sur le réseau de la santé a fait d’elle une victime collatérale.

David Daigle, le conjoint de Karine Dion, a décidé de lever le voile sur ce qui a mené sa complice de longue date à commettre l’irréparable. Il lance ce cri du coeur pour «éviter qu’elle ne soit pas morte en vain».

«Karine était une femme extraordinaire, une mère exceptionnelle. C’est simple, elle voulait sauver le monde. Elle était vraiment à sa place comme médecin. Mais la COVID l’a tuée. Elle nous a pris, à moi et mon fils Jacob, ce qu’on avait de plus cher, a-t-il confié. Faisons attention au système de santé. Il est en train de craquer. Plusieurs personnes sont en détresse.»

En fait, dès les balbutiements de la pandémie, la COVID a gagné le premier round d’un combat de longue haleine que la femme de 35 ans a finalement perdu.

 

«Dès qu’on a commencé à entendre parler du virus, Karine s’est impliquée à 200% dans la coordination des effectifs médicaux à l’hôpital de Granby. La COVID lui faisait vraiment peur. Elle ne se voyait pas décider de sauver un jeune en étant obligée de laisser une personne plus âgée mourir. C’était contre ses valeurs.»

Après des jours sans fermer l’oeil, elle a craqué. Son hospitalisation était incontournable. «Elle était épuisée. Son cerveau était déconnecté. Même si elle n’était pas rétablie complètement, elle est retournée travailler à l’urgence. Elle ne voulait pas abandonner ses collègues dans une période aussi critique», se remémore son conjoint.

Honte et culpabilité

En septembre, au bout du rouleau, Dre Karine Dion a mis le genou au sol pour une seconde et ultime fois. « Comme médecin, Karine se mettait une énorme pression sur les épaules, fait valoir celui qui partageait sa vie depuis près de 15 ans. Elle a tout donné pour les patients, au détriment de sa propre santé.»

Malgré le soutien psychologique, après des semaines à combattre ses démons, à repousser ses idées noires, elle a finalement décidé de commettre ce geste sans retour.

«Elle verbalisait ses émotions. La communication a toujours été excellente entre nous deux. Mais, elle avait tellement honte du jugement de ses collègues. Elle se sentait coupable de ne pas être au front, avec eux. Elle a même remis sa carrière en cause. Elle m’a dit:  »la médecine, c’était ma passion. Mais c’est rendu ma peur. C’est en train de me tuer ». Et c’est ce qui est arrivé», a confié David, la voix nouée par l’émotion.

Onde de choc

L’onde de choc de la mort de la Dre Karine Dion, le 3 janvier, a frappé de plein fouet la communauté médicale de la région de Granby. Et même bien au-delà du territoire. Les témoignages de condoléances et d’appréciation se multiplient sur les réseaux sociaux.

Pour ses collègues, la perte est incommensurable. «C’était un coeur sur deux pattes, une collègue en or. Quelqu’un d’exceptionnel. C’est une perte inestimable pour toute l’équipe médicale. Vraiment, tout le monde l’appréciait», a confié la Dre Geneviève Simard-Racine, qui travaille également à l’hôpital de Granby.

Drapeau blanc

Le président de l’Association des médecins omnipraticiens d’Yamaska (AMOY), Dr Jacques Bergeron, s’est dit secoué par ce «drame d’une tristesse inouïe.»

Il réitère l’importance de ne pas hésiter à hisser le drapeau blanc en cas de détresse. «Comme médecin, c’est dans notre nature de vouloir sauver la veuve et l’orphelin. On veut toujours en faire plus et le sentiment de culpabilité peut survenir à tout moment. On doit reconnaître nos limites, les accepter et demander de l’aide.»

Selon le président de l’AMOY, les demandes au programme d’aide aux travailleurs de la santé ont connu une recrudescence durant la première vague de la pandémie. «Ensuite, il y a eu un plateau et c’est reparti en croissance depuis septembre. On sent la pression. La charge mentale est très grande.»

Vous vivez des moments de détresse?

Centre de prévention du suicide de la Haute-Yamaska

450 375-4252