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VIDEO. Ville de demain, enfer ou paradis: Des écrans à consommer avec modération pour les enfants?

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La lumière bleue des LED, que l’on retrouve dans tous nos écrans, a un effet toxique sur la rétine et le sommeil, surtout chez les enfants. — Esme Allen/REX/REX/SIPA

FUTURS (3/4) «20 Minutes» se penche sur la ville du futur. Troisième épisode: la gestion (délicate) des écrans vis-à-vis des enfants

Oihana Gabriel

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Des écrans partout dans les rues et jusqu’aux vitres des wagons du métro, des lunettes intelligentes à 2 cm de la rétine, des affiches en 3D comme dans Retour vers le futur… On peut imaginer que la ville du futur sera riche en panneaux 2.0, d’autant que la multiplication des écrans [on en comptait en moyenne 3,4 par foyer en 2010 en France, contre 5,6 en 2018] ne va pas s’arrêter là. Une tendance qui mérite d’être interrogée car, depuis peu, des experts alertent sur les conséquences de cette surexposition aux écrans sur la santé des enfants. Alors les hommes, trop sédentaires et sous perfusion d’écrans, vont-ils devenir obèses et limités intellectuellement comme dans Wall-E ?

Peut-être pas… Car il est possible de débrancher. Et cette déconnexion sera sans doute l’un des enjeux majeurs de l’éducation des futurs petits citadins. Plutôt que de bannir les écrans à venir, mieux vaudrait trouver comment mieux les utiliser et comment miser sur la « sobriété ». « Il y a une sensibilisation à mener sur l’hygiène de vie lumineuse », avertit Thierry Villette, le directeur scientifique de l’entreprise Essilor*. Comment ? En prenant de bonnes habitudes, comme limiter la durée de consommation, choisir les programmes adaptés, éteindre le smartphone bien avant le coucher. Ou encore en s’alignant sur certaines écoles françaises qui encouragent les enfants à relever le défi de tenir dix jours sans écran.

Applications de contrôle et exigence de consommation

L’académie des Sciences appelle, elle, d’ores et déjà à une « vigilance raisonnée » sur l’utilisation des nouvelles technologies par les enfants, mais aussi par les parents. « Un humain se construit en tant que sujet social dans l’interaction, en regardant et en imitant ses parents, surtout dans les premiers mois, explique le pédopsychiatre Bruno Falissard, enseignant à la faculté Paris Sud. Voilà pourquoi consulter Twitter en donnant le biberon n’est pas une bonne idée. »

 

« Il y a déjà aujourd’hui un courant anti-consumériste, anti-publicité, décroissant, pour une parcimonie d’information, ajoute Bruno Falissard, qui imagine une ville du futur qui ne sera pas couverte d’écrans mais où les habitants se baladeront avec des lunettes intelligentes sur le nez. « Tout le monde sera connecté mais avec une exigence sur le niveau de consommation », assure l’enseignant qui table sur une exposition à la carte, adaptée à l’âge et limitée dans le temps, afin de ne pas « griller » la rétine et les neurones des enfants. « Avec ces lunettes connectées, on pourra installer des applications de contrôle, voir ce qu’ils consomment, ajoute le pédopsychiatre. La bonne nouvelle, c’est qu’on pourra ainsi dépister les enfants qui sont en souffrance par rapport aux écrans. Mais l’effet pervers sera de renforcer la tendance « parent hélicoptère » ». Comprenez ces parents qui aiment savoir où se trouvent leurs rejetons et ce qu’ils font.

Dangers pour les yeux et pour la croissance

« On ne pourra pas aller contre ce fait de société. Ces écrans, c’est de l’info, du jeu, du travail », estime Thierry Villette. Et si l’enjeu de la gestion des écrans pour les enfants est si grand, c’est que le risque l’est tout autant. On le sait : passer huit heures par jour devant son PC et ses soirées rivé à son smartphone n’est pas seulement mauvais pour le dos, mais aussi pour la vue. Le spécialiste liste ainsi trois grands risques pour les yeux : maladies oculaires (dégénérescence maculaire liée à l’âge ou DMLA), fatigue visuelle et myopie. « Les enfants qui passent plus de temps à l’extérieur ont moins de chances de développer une myopie », développe Thierry Villette. Plus largement, pour développer ses capacités visuelles, le bébé a besoin de regarder à différentes distances, avec un champ visuel large. « Le monde est à 360°, pas sur un écran de quelques pouces », résume l’expert.

 

Quant à la lumière bleue, « une partie, qu’on appelle le bleu violet, accélère le vieillissement de la rétine surtout pour les enfants. Leur rétine reçoit proportionnellement beaucoup plus de bleu violet qu’un œil adulte. Par ailleurs, les plus jeunes reçoivent un peu d’ultraviolets jusqu’à 15 ans », reprend Thierry Villette, qui rappelle que l’on cligne trois fois moins des yeux devant un écran que normalement. Ceci sans compter que cette lumière bleue affecte également le sommeil. « Si votre œil reçoit trop de lumière bleu turquoise le soir, le cerveau peut décaler la sécrétion de mélatonine, hormone du sommeil, qui sera donc perturbée, insiste Thierry Villette. On va à l’encontre de l’histoire naturelle de l’homme qui, le soir, profitait du feu ou de la lumière incandescente jaune. »

Alors comment protéger les rétines des enfants des villes de demain ? Grâce à des filtres posés sur les écrans ou sur les lunettes intelligentes « qui absorbent 20 % de la lumière toxique et donc permettent de diminuer de 25 % la mortalité des cellules », répond le directeur scientifique d’Essilor. Ceci sachant que l’on peut venir à la rescousse de leur sommeil en paramétrant leur smartphone pour qu’il lance un filtre à l’heure souhaitée. Une technologie de taille qui pourrait également permettre… de préserver le développement physique des enfants. « C’est pendant le sommeil que l’hormone de croissance est sécrétée », rappelle le Pr Yvan Touitou. Un chronobiologiste et membre de l’Académie de Médecine qui n’oublie pas de souligner qu’en troquant le sport en extérieur contre des heures devant la télé, les enfants, qui restent assis parfois en grignotant, suivent la meilleure recette pour développer du surpoids.

Baisse de l’attention et inégalités

Et à la menace de voir émerger une génération d’obèses et de malvoyants s’ajoute de celle de voir l’intelligence de nos bambins sérieusement revue à la baisse. « Au cours des dix dernières années, pour la première fois, le quotient intellectuel (QI) des enfants a baissé, reconnaît Bruno Falissard. Pour certains, les perturbateurs endocriniens en seraient responsables, pour d’autres, ce sont les tablettes. Aujourd’hui, on ne sait pas jusqu’à quel point les écrans peuvent être mauvais pour les enfants. Mais on a des indices sur des problèmes de socialisation, voire de troubles autistiques et d’addictions pour des très jeunes surexposés. »

Des experts s’interrogent aussi sur la capacité de ces enfants, très souvent interrompus par des notifications, à se concentrer. « Il y a peut-être une modification des processus attentionnels, avec davantage d’attention partagée que focalisée, mais ce n’est pas scientifiquement prouvé, nuance le pédopsychiatre. Sans doute les enfants seront-ils moins enclins à faire une tâche unique pendant longtemps. Mais ils seront plus à l’aise pour faire plusieurs choses en même temps. » Bruno Falissard avoue surtout craindre une vie ultra-connectée creusant toujours plus les inégalités entre des enfants vulnérables, les victimes de cyberharcèlement, les accros aux jeux vidéo… et les gamins qui auront les codes pour se servir au mieux d’Internet.

* Thierry Villette interviendra ce jeudi dans le festival lors d’une conférence intitulée « Ecrans, la larme à l’œil ».

SOURCE: 20 MINUTES