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Québec vise les mauvaises cibles pour contrer la COVID-19 – Le Devoir

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Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne «La priorité réelle du gouvernement Legault semble bien être l’économie, pas la santé», pense l’auteur.

Pierre Rivard

Sherbrooke

Quels sont les principaux foyers d’éclosion de la COVID-19 au Québec ?

Selon le Dr Arruda, 75 % des éclosions ont lieu dans les milieux de travail et dans les milieux scolaires, auxquels il faudrait sans doute ajouter les éclosions dans les milieux de soins, non pris en compte dans ces données, semble-t-il.

On s’attendrait, conséquemment, à ce que ces milieux d’éclosion (sans doute 90 % des éclosions en incluant les milieux de soins) soient les principales cibles des mesures prises par le gouvernement Legault pour casser la progression du coronavirus et même faire chuter la courbe quotidienne de cas positifs, si tant est qu’il soit vrai que la santé publique est la priorité des priorités de ce gouvernement, et non l’économie.

Mais cela ne semble pas être le cas, les cibles du gouvernement étant tout autres, soit :

1) des cibles marginales d’éclosion, comme les bars, les restaurants, les gymnases, etc. ;

2) des cibles imaginaires d’éclosion, comme les musées, les bibliothèques, les cinémas, etc. On comprend donc que, en visant les mauvaises cibles, la courbe quotidienne de cas positifs ne baisse pas, qu’elle stagne et même qu’elle progresse.

De plus, l’idée qui se dégage de ces choix gouvernementaux, c’est que la priorité du gouvernement Legault, c’est l’économie, pas la santé publique. Dans cette optique, on a l’impression que les cibles marginales et imaginaires visées par les mesures gouvernementales de lutte contre le coronavirus relèvent plus de l’esbroufe que du combat réel contre les principaux foyers de contagion. Bref, tout semble se passer comme si ces cibles marginales ou imaginaires servaient surtout à détourner l’attention de la population des principales sources d’éclosion du virus, soit les milieux de travail et scolaires, lesquels doivent demeurer intouchables pour la plupart.

Pourquoi ? Because the economic show must go on !

Donc, la priorité réelle du gouvernement Legault semble bien être l’économie, pas la santé. Dans cette perspective, il s’agit pour le gouvernement de garder ouvertes le plus d’entreprises possible, de même qu’un maximum de classes du primaire, ainsi que celles de première et deuxième année du secondaire (bref les classes regroupant les enfants qui ne peuvent rester seuls à la maison), afin de garder les parents au travail.

Que le gouvernement veuille prioritairement sauver l’économie avant la santé publique, c’est un choix cruel, mais un choix qui peut se défendre. Cependant, l’honnêteté politique et le respect des citoyens impliquent que le gouvernement Legault le dise clairement à population et, surtout, qu’il lui dise qu’il y aura un prix funeste à payer.

« Latence longue »

Depuis quelques semaines, le niveau quotidien de contamination en sol québécois oscille autour de 1000 cas par jour. Cela ressemble beaucoup à la description faite par un expert français de ce qu’il appelle la période de « latence longue » qui, en France, a précédé l’explosion exponentielle de propagation actuelle de la COVID-19 au sein de l’Hexagone. Cet expert (l’épidémiologiste William Dab) faisait en outre la mise en garde suivante dans le journal Le Monde, le 6 novembre dernier :

« C’est le grand piège d’un modèle exponentiel à latence longue, où pendant longtemps on a l’impression que c’est maîtrisable et, à un moment donné… [lorsqu’on passe un certain niveau], on perd le contrôle de la pandémie, même avec un taux de reproduction “R” de l’ordre de 1,3, c’est-à-dire [lorsque] 10 personnes en contaminent en moyenne 13 autres. »

Samedi dernier, la France a compté 86 000 cas positifs de COVID-19, les autorités françaises reconnaissant, de plus, que cela n’incluait pas un bon nombre de cas positifs pour lesquels l’embouteillage informatique prévalant en amont de la livraison des résultats rendait actuellement impossible la prise en compte quotidienne de tous les cas positifs. Quant au traçage, n’en parlons même pas, car il y a longtemps que la France a perdu totalement sa maîtrise, si jamais elle l’eut.

Dimanche dernier, le Québec a recensé quelque 1400 cas positifs de COVID-19, quittant ainsi le plateau des quelque 1000 cas par jour, pour entreprendre peut-être une nouvelle ascension vers un sommet inconnu, ascension dont on se serait bien passé. Et le lendemain, ce sont près de 1200 cas qui ont été recensés, ce qui laisse penser que l’on pourrait terminer la semaine du 9 novembre avec plus de 1500 cas positifs par jour.

Il est donc probable que ce nouveau rebond s’inscrive parfaitement au sein du « modèle exponentiel à latence longue » dont parle l’expert français, conséquence quasi inévitable du choix fait par le gouvernement québécois, à l’instar du gouvernement français, de prioriser l’économie à la santé publique, même si le gouvernement québécois (à l’instar du gouvernement français) dit chercher plutôt un équilibre dynamique entre ces deux choix. Mais cette recherche d’équilibre dynamique semble cependant conduire tout droit dans le mur… et l’économie et la santé publique.

Source: Le Devoir