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PEUT-ON TAPER AUSSI AILLEURS QUE SUR NOS TÊTES ? LA PRESSE PLUS

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MARIE-CLAUDE LORTIELA PRESSE

7 Janvier 2021

Quand Pierre Manseau, un fou de pêche au saumon, a appris que malgré les masques et toutes les précautions de rigueur, il avait peut-être été exposé au virus, dans une activité à La Baie, pendant le week-end de la fête du Travail en septembre dernier, il est allé se faire tester.

Et il a appris qu’il était positif deux jours plus tard.

Mais c’est seulement le lundi suivant, donc une semaine après son retour à la maison et possiblement 10 jours après sa rencontre avec le porteur contagieux, qu’il a été contacté par la Santé publique.

Et ceux avec qui il avait passé le week-end ont vécu des attentes semblables.

« Tout ça a été tellement long, tellement long, dit Manseau. Une chance que notre groupe, on a été responsables. » C’est lui qui a avisé son employeur, qui s’est isolé, qui s’est occupé de son propre cas.

« Quand j’ai vu le temps que ça prenait, pour les tests, pour les résultats, pour être contacté, c’est là que j’ai compris qu’ils allaient l’échapper. »

La deuxième vague, il n’a pas été surpris de la voir arriver.

Mercredi, on a tous passé le début de la soirée scotchés à nos écrans pour écouter le premier ministre François Legault, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé et le directeur national de santé publique Horacio Arruda nous sermonner sur l’importance de côtoyer moins de gens que jamais, de rester enfermés à la maison, de prendre personnellement, chacun d’entre nous, la responsabilité de bloquer la contagion en nous emmurant dans leurs recommandations.

Mais ce que le récit de Pierre Manseau montre bien et ce que les interventions récentes de plusieurs spécialistes en santé publique indiquent aussi, c’est que le contrôle de cette pandémie ne passe pas uniquement par les sacrifices individuels additionnés de chaque citoyen.

Il y a d’autres problèmes à régler, d’autres mesures à prendre, autre chose à faire.

***

Durant cette conférence de presse attendue par tous comme un coup de bâton de baseball en plein visage, un collègue de Radio-Canada a posé une question fort pertinente. Il a demandé au triumvirat gouvernemental covidien s’il y avait des preuves scientifiques concernant l’efficacité du couvre-feu. Avoir eu la chance, j’aurais demandé la même chose. Et avoir eu le temps, j’aurais demandé aux trois hommes s’il aurait été possible d’avoir un débat citoyen, public, sur la question.

Mais ça n’est pas arrivé et on a répondu à mon collègue que non, ce nouveau couvre-feu n’arrivait pas avec une étude garantissant les résultats, mais qu’il fallait croire à la théorie sur l’addition des mesures. Plus on en met, plus ça marche. Donc plus on interdit les contacts, et plus ça devrait finir par marcher.

Cette réplique m’a étonnée.

D’abord, parce que je venais tout juste d’interviewer Marie-Pascale Pomey, chercheuse et professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui, elle, m’a parlé des statistiques sur l’expérience française montrant un réel fléchissement de la courbe de progression du virus au moment de l’imposition de différents couvre-feux. Pourquoi ne pas en avoir parlé ?

Et ensuite, j’ai pensé à Albert Einstein, à qui on attribue cette citation : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »

Donc la troisième chose que j’aurais demandée au trio derrière le micro aurait été la suivante : et si, au lieu d’interdire encore plus aux gens de se voir et de sortir et de vivre, on n’essayait pas de regarder ailleurs, vers les autres moyens de gérer et de contrôler cette pandémie ?

Et entendons-nous avant que vous me hurliez toutes sortes de courriels par la tête : je ne sous-entends pas ici qu’il faille mettre le confinement à la poubelle et tout relâcher. Il n’est pas question de ça.

Je dis juste, en m’inspirant de ce que m’a expliqué Mme Pomey, qu’il y a d’autres voies à explorer en plus, mais différentes. Qu’on pourrait taper sur d’autres clous. Et que ça serait intéressant d’en entendre parler, d’en discuter publiquement.

Je lance des idées.

Pourrait-on avoir plus de tests antigéniques avec des résultats hyper rapides ? Pourrait-on avoir des résultats plus rapidement, qu’avec nos tests PCR actuels ? La technologie existe.

Pourrait-on encourager, au lieu de décourager, les gens à aller se faire tester ? Facilement et sans contraintes et sans moralisation. Vouloir être testé n’est pas une coquetterie. C’est un geste responsable.

Pourrait-on faire comme en France – tant qu’à les copier – et installer des stations de tests un peu partout ? Presque à chaque carrefour. Mettre les pharmacies à contribution. Mettre les étudiants en médecine dans l’effort global, les médecins de famille, tout le monde.

Pourrait-on, aussi, mettre la pédale à fond pour le déploiement dans le monde de la santé de masques de haute protection professionnels, de qualité maximale, réellement efficaces, comme en réclame haut et fort le milieu ? Ils ont été plus de 400 à le demander dans nos pages cette semaine. Et si le virus se propage dans l’air, n’est-il pas temps de parler de ça aussi : de ventilation ?

Pourrait-on aussi mettre tous les efforts qu’il faut pour que le dépistage, le traçage, le suivi des cas se fassent de façon hyper efficace ? Rapide !

La clé du contrôle d’une pandémie, rappelle Marie-Pascale Pomey, c’est ça : le dépistage des cas, le traçage des contacts et l’isolement. « Et la réduction des délais au maximum. » Entre chacune de ces étapes.

Donc, peut-être doit-on revoir encore les façons de faire des organisations qui gèrent tout ça, une machinerie dont le public ne sait rien.

Parmi les nombreuses statistiques à suivre, il devrait y avoir ces délais entre la contamination, le test, le résultat, l’isolement. On devrait viser sans cesse de moins en moins de jours, d’heures. Chaque minute de liberté d’une personne porteuse est grave. Encore plus si elle a des symptômes.

Peut-on espérer reprendre le contrôle de la situation en laissant des individus contaminés passer 10 jours sans un coup de fil de la direction des autorités de la santé ? Ça ne fait pas une super manchette aux allures bien musclées comme un couvre-feu, mais revoir les méthodes de travail derrière tout cela et en parler, ne serait-ce pas pertinent, éclairant ?

Car qui est le plus dangereux, selon vous ? La personne contaminée que le système tarde à prendre en charge, ou celle qui promène son chien toute seule à 22 h chaque soir ?

Je vous laisse en juger.

SOURCE: LA PRESSE PLUS