On se demandera sûrement quelle est l’expertise d’un professeur de littérature française en ce qui a trait à la santé publique. Je répondrai simplement que les littéraires, comme tous les universitaires au demeurant, sont fondamentalement formés à exprimer une pensée critique, qui s’exerce sur des réalités en mouvement incessant et débordant le cadre strict de la discipline. […]
Sommes-nous collectivement prêts à substituer le contrat médical au contrat social, comme l’expose Bernard-Henri Lévy dans son dernier livre (Ce virus qui rend fou, Grasset) ? Voulons-nous réellement donner préséance aux médecins sur les politiques, les philosophes, les artistes, les économistes, les psychologues, les sociologues, c’est-à-dire sur tous les penseurs du vivre-ensemble ? Échapper aux virus, est-ce un projet de société valable ? La prolongation indéfinie de l’état d’urgence sanitaire entraîne des conséquences suffisamment nombreuses pour que la parole publique ne se limite plus à celle des seuls épidémiologistes. Plusieurs questions méritent d’être posées — et éventuellement débattues — qui ne le sont pas en ce moment.
Question aux démographes : pourrait-on analyser de manière claire les chiffres de la surmortalité pour les six premiers mois de 2020, relativement à ceux des cinq années précédentes ?
Questions aux historiens : comment décrire la dangerosité du coronavirus comparativement à celle de la peste, du choléra, de l’influenza, de la grippe asiatique, de la grippe de Hong Kong ? A-t-on jamais connu un tel bouleversement de tous les paramètres de l’existence pour un péril si peu létal ?
Question aux psychologues : quels peuvent être, à moyen et à long terme, l’effet des diverses mesures d’urgence et de distanciation physique (qui devient forcément sociale) sur toute la jeunesse en phase de formation intellectuelle et affective ?
Question aux pédiatres : est-il sain qu’un enfant porte un masque six heures d’affilée cinq jours par semaine ? (Rappelons qu’en Ontario, les enfants de plus de 10 ans seront contraints de garder leur couvre-visage en classe ; le Québec suivra sans doute ce modus operandi, par « principe de précaution », dès que quelques cas asymptomatiques auront été détectés en milieu scolaire.)
Question aux commerçants et aux restaurateurs : jusqu’à quand pourrez-vous éviter la faillite avec les mesures de distanciation actuelles, une fois passés le beau temps, l’achalandage estival et la saison des terrasses ?
Questions à l’industrie culturelle : n’est-il pas urgent, pour tous les artistes, qu’on assure la viabilité en même temps que la nécessité de leurs activités ? L’acceptation absolue des mesures d’urgence ne relègue-t-elle pas les arts au rang de produit de consommation superflu ?
Questions à la population étudiante (cégep et université) : appréciez-vous le virage vers l’enseignement à distance et souhaitez-vous le voir pérennisé ? N’y a-t-il pas lieu d’exprimer le besoin d’une expérience d’apprentissage qui va au-delà de la transmission d’un contenu disciplinaire et qui assure la possibilité d’échanges, de rencontres marquantes, d’une expérience de vie transformatrice ?
Question aux journalistes d’enquête : où êtes-vous ?
Il semble urgent d’ouvrir un véritable dialogue, d’accepter les « débats » sur ces questions avant qu’on ne nous impose cet automne, avec toute la force de la pseudo-évidence, le port du couvre-visage à l’extérieur. Certains consensus sont sans doute moins consensuels qu’on le prétend, lorsqu’on creuse un peu.
Ceux qu’on a rangés sous l’étiquette englobante de « complotistes » se targuent actuellement, non sans raison, de former l’opposition officielle à l’ère du coronavirus : pourquoi leur céder tout ce terrain ? Il y a moyen de mettre en question les décisions de la Santé publique sans pour autant crier à la domination occulte des réseaux pédosatanistes ni voir en Donald Trump et Vladimir Poutine les sauveurs de la planète.
Ni l’OMS ni Donald Trump.
Ni Horacio Arruda ni QAnon.