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Doit-on vraiment faire payer les non-vaccinés ? – L’ACTUALITÉ

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L’idée pourrait ouvrir des brèches inquiétantes dans les principes qui régissent notre système de santé public, prévient le Dr Alain Vadeboncoeur.
 

Le gouvernement envisage de faire payer une « contribution santé » aux personnes qui ne se font pas vacciner contre la COVID et qui ne disposent pas de raison médicale pour refuser ce vaccin. Ce genre d’idées circule depuis un certain temps, notamment sur les réseaux sociaux, à côté d’autres appuyant une priorisation des personnes vaccinées dans le réseau de la santé ou encore l’imposition d’un tarif aux non-vaccinés pour des soins. Une réflexion s’impose sur ces différents sujets.

D’abord, concernant ces deux dernières idées. Associer un paiement à un service de santé à l’hôpital, où les coûts sont couverts par l’État depuis le début des années soixante, ce n’est certainement pas souhaitable. Notamment parce que cela introduirait un paiement en fonction de l’utilisation de services payés par notre régime d’assurance publique, ce qui est contraire à ses principes. Encore pire, refuser d’accorder des soins à cause du statut vaccinal de quelqu’un est tout simplement impensable.

Mais il y a lieu d’explorer aussi les enjeux soulevés par l’idée du gouvernement d’une « contribution santé », qui serait apparemment associée au revenu de la personne. Cette mécanique, qui existe pour d’autres services, mène à une contribution détachée de toute utilisation des services de santé, ce qui est déjà mieux que les deux autres possibilités.

Comme la mesure est en lien avec un « comportement à risque » (le refus de la vaccination), on pourrait la comparer à la taxation sur les produits du tabac, par laquelle les fumeurs contribuent collectivement à financer les coûts de santé associés à cette fâcheuse habitude, dont on sait qu’elle explique environ 30 % des hospitalisations, ce qui est majeur. Bien entendu, cela ne couvre pas tous les coûts de santé futurs, loin de là.

Mais cette mesure peut aussi être vue comme une prime que devraient payer les gens ayant un comportement de santé à risque. Elle se compare alors à celle demandée par la Société de l’assurance automobile du Québec pour assurer un conducteur de motocyclette, qui se trouve à financer, avec les autres motocyclistes, le risque accru associé ce type d’activité, donc des coûts de santé qui pourraient découler d’un accident.

La mesure ressemble aussi au fonctionnement d’une assurance privée, où le niveau de la prime est lié de manière précise au risque individuel, par exemple en assurance vie ou en assurance-voyage. 

Il serait facile d’évoquer ici le tabagisme, exemple classique déjà cité, la consommation d’alcool ou encore la sédentarité, etc. Bref, une foule d’habitudes de vie qui modulent le risque de l’utilisation des services de santé et qu’un législateur moins soucieux des principes de base de notre système de santé pourrait décider d’inclure dans le calcul d’une éventuelle « contribution santé » élargie, une fois la porte ouverte. Voire de la création d’une assurance privée pour couvrir les risques variables des diverses personnes.

Il peut être dangereux d’introduire ce genre de modulation en fonction du risque dans le financement de notre assurance publique de santé, l’orientant vers le modèle des assurances privées, notamment parce que cela ferait l’affaire de bien des gens qui poussent en ce sens depuis longtemps, souhaitant l’arrivée d’une couverture privée sous une forme ou une autre.

Bref, même si la proposition d’une « contribution santé » par les non-vaccinés paraît clairement moins risquée qu’un déni de service pour ces personnes ou encore qu’une demande de paiement à l’utilisation, toutes deux incompatibles avec les principes régissant notre couverture publique, il est apparent que l’idée ouvre d’autres brèches inquiétantes.

Quoi qu’il en soit, la réflexion à propos de cette « contribution santé » a des implications qui m’apparaissent bien trop larges pour faire l’économie d’un débat de fond sur la question.

SOURCE:L’ACTUALITÉ