Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne Le p.-d.g. d’Ebox, Jean-Philippe Béïque, demande la démission du commissaire du CRTC Ian Scott (sur la photo), estimant qu’il est «soit incompétent, soit en plein conflit d’intérêts».
Alain McKenna
Le mécontentement au sein des fournisseurs indépendants de services de télécommunications s’est intensifié tout au long du week-end, après la volte-face du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour annuler une importante baisse du tarif qu’ils paient pour accéder à Internet. Le plus important fournisseur indépendant au Québec va jusqu’à demander la démission du commissaire Ian Scott, estimant qu’il est « soit incompétent, soit en plein conflit d’intérêts ».
Jean-Philippe Béïque, fondateur et p.-d.g. d’Ebox, ne mâche pas ses mots. L’homme d’affaires de Longueuil croit non seulement que le CRTC rend le secteur canadien des télécoms moins abordable et moins accessible pour les consommateurs canadiens, mais qu’il « veut carrément tuer la compétition au Canada ». Il accuse le commissaire Ian Scott, un ancien haut dirigeant de Telus, de volontairement désavantager les petits revendeurs en privilégiant les grandes entreprises comme Bell, Rogers, Telus et Vidéotron qui possèdent leur propre infrastructure.
« C’est un parti pris important », dit M. Béïque. « Ian Scott est un ancien de Telus qui affiche sa préférence pour cette technologie. Le dirigeant d’un organisme public ne devrait pas se placer en conflit de cette façon. »
Un effet jusque dans le sans-fil
Ottawa tiendra à la mi-juin des enchères pour des spectres de fréquences qui ont pour objectif de stimuler la concurrence dans le secteur du sans-fil en ouvrant la porte à de nouveaux joueurs. Or, la décision de jeudi dernier du CRTC aura l’effet inverse, puisqu’elle force des entreprises à renoncer à leurs plans d’investissement dans ce marché.
En Ontario, le fournisseur TekSavvy a déclaré qu’il renonçait à ces enchères à la suite de l’annonce du CRTC de la semaine dernière. Il a aussi prévenu ses clients d’une éventuelle hausse de ses tarifs portant sur les réseaux filaires. Chez nous, Ebox avait aussi manifesté plus tôt cette année son désir d’entrer dans le sans-fil. L’entreprise change finalement d’idée.
« C’est pour ça qu’on parle d’incompétence », répète M. Béïque. « Le gouvernement a promis de meilleurs prix et plus de compétition. Jusqu’à la semaine dernière, il affirmait que la vente en gros était un des meilleurs outils pour accroître la concurrence. Et là, le CRTC élimine notre capacité à investir davantage. »
Interrogé à ce sujet, le CRTC s’est abstenu de commenter les propos et la demande d’Ebox à l’égard de son commissaire.
L’accès à Internet se politise
Le mécontentement face à la position du CRTC s’est politisé durant la fin de semaine. Sur la colline Parlementaire, le porte-parole et critique en matière de télécommunications de NPD, le député Brian Masse, s’est dit « découragé » par la situation.
« Les prix déjà élevés pour accéder à Internet vont exploser, et l’impact sera néfaste. L’Internet haute vitesse est un service essentiel pour le travail, l’école, les entreprises et l’innovation. Garder la population connectée dépend d’un accès à Internet fiable et accessible. » Le NPD en profite pour accuser le gouvernement libéral de prendre le parti des grandes entreprises.
Devant la frustration, le ministre de l’Innovation, de la Science et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, n’a pas voulu commenter davantage la situation. Il reconnaît que « la concurrence est le meilleur moyen de faire baisser les prix » et répète son désir d’« accroître la concurrence » dans les télécommunications.
Le ministre fédéral se garde toutefois une porte ouverte pour revenir sur la décision du CRTC. « Nous allons analyser la décision et ses répercussions pour nous assurer qu’elles répondent à nos priorités stratégiques en matière d’abordabilité, de concurrence, et d’innovation dans ce secteur », a réitéré par courriel le cabinet du ministre, hier.