You are currently viewing La distanciation et le développement des enfants – LE DEVOIR

La distanciation et le développement des enfants – LE DEVOIR

Facebook
Twitter
LinkedIn

Marc-André Paquette

Enseignant au préscolaire

Comme enseignant à la maternelle, je suis convaincu des effets négatifs de la distanciation physique sur le développement affectif et relationnel des enfants.

En classe, j’utilise un référentiel de 26 images de gestes positifs qui permettent de nourrir et de prendre soin des relations. Lorsqu’on en fait l’analyse, on constate que la distanciation interdit ou nuit à l’enseignement, en classe, de la majorité de ces gestes qui sont nécessaires au développement de compétences relationnelles saines.

Nous pouvons séparer l’enseignement de ces gestes relationnels en quatre catégories par rapport à la distanciation.

Gestes désormais interdits : faire un câlin ; partager le matériel (aucun partage n’est permis) ; inviter un ami à jouer (chacun a une place pour travailler et jouer seul) ; bien jouer ensemble, faire des compromis (idem) ; inclure un autre enfant à notre groupe d’amis, ne pas le laisser seul (idem) ; rendre service (interdiction de toucher au matériel de l’autre ou à son espace de jeu et de travail) ; aider un ami à ranger (idem) ; laisser une place libre à côté de soi (chacun a une place bien délimitée) ; faire un cadeau, comme un dessin (interdiction de toucher au même matériel).

Gestes à peu près exclus (difficile de placer les enfants dans une situation favorisant l’émergence et l’enseignement de ces compétences puisque aucun travail, aucun jeu d’équipe et aucun partage de matériel n’est permis) : dire merci (les enfants ne peuvent plus s’aider de façon concrète, seulement verbalement et à une distance de 2 m) ; partager ses idées et accepter les idées d’un ami (en jouant et en travaillant seuls dans un espace qui leur est réservé, les enfants ont des interactions beaucoup plus limitées et ne sont à peu près pas confrontés aux idées des autres) ; aider un ami (seulement verbalement et à une distance de 2 m, ce qui est à peu près impossible pour les plus petits) : prendre soin d’un ami (idem) ; consoler un ami (idem) ; parler doucement lorsqu’on n’est pas d’accord (tout se faisant de façon individuelle et dans un espace réservé et protégé, il y a donc peu d’interactions où l’enfant est confronté et où il doit exprimer ses limites et ses besoins doucement même s’il est contrarié) ; faire une belle demande à un ami (il y a peu de situations où un enfant aurait à demander de l’aide à un ami ou sentirait le besoin de faire respecter ses limites) ; laisser passer quelqu’un devant soi (presque tous les déplacements sont orchestrés par l’adulte pour s’assurer que tous les enfants respectent la distance de 2 m et ne se croisent pas de trop près) ; donner la chance à un ami de faire quelque chose, lui laisser son tour (il n’y a pas d’interaction avec le même matériel).

Gestes pouvant encore être encouragés (même si le contexte est vraiment moins favorable à leur possibilité, étant donné le peu d’interactions) : sourire à un ami ; faire un clin d’œil ; regarder et écouter attentivement un ami qui me parle ; féliciter (difficile pour un enfant de prendre conscience des réalisations d’un ami qui travaille à 2 mètres, voire plus, dans la classe — pour encourager ce comportement, l’enseignant doit relever publiquement les réussites de chacun et encourager ensuite les félicitations) ; encourager (difficile pour un petit de prendre conscience des difficultés d’un ami qui travaille à 2 mètres ou plus loin dans la classe) ; s’intéresser à l’autre, lui poser des questions (difficile de s’intéresser à ce que fait un ami à une distance de 2 mètres ; il y a le risque que ce comportement disparaisse si l’adulte intervient chaque fois qu’un enfant qui s’intéresse à un autre s’en approche trop) ; dire des mots doux (se fait habituellement de façon spontanée lorsqu’il y a des interactions entre les enfants).

Gestes encore faciles à encourager : accueillir à l’arrivée ; saluer au départ.

Il m’apparaît très inquiétant de constater que la distanciation sociale exclut l’immense majorité des gestes relationnels positifs entre enfants.

De plus, dans un contexte de distanciation sociale (sans travail ou jeu d’équipe et sans partage de matériel), il est à peu près impossible, en classe, de stimuler le développement de compétences telles qu’aller vers les autres, oser, s’affirmer, être attentifs aux besoins des autres, faire des compromis, gérer des frustrations, mettre des limites et résoudre des conflits.

Je sonne donc l’alarme comme enseignant.

Si la distanciation sociale se prolonge en septembre, nous courrons le risque qu’il y ait des répercussions importantes, à moyen et à long terme, sur le développement affectif et relationnel des jeunes d’aujourd’hui et sur leurs interactions futures, quand ils seront adultes.

SOURCE: LE DEVOIR

Lettre de Marc-André Paquette

 
Je m’appelle Marc-André Paquette et j’étais enseignant à la maternelle.
J’étais en enseignement depuis près de 20 ans, mais auparavant, j’ai étudié la médecine pendant 5 ans.
Quand j’ai choisi de devenir enseignant, j’ai suivi mon cœur. Ma passion, c’était d’accompagner les jeunes pour qu’ils s’épanouissent et participent positivement à la société.
Comme enseignant à la maternelle, j’ai toujours accordé beaucoup d’importance au développement des compétences relationnelles.
Le 13 mars 2020, d’un coup, le développement de ces compétences a été écarté des priorités de l’éducation.
Du jour au lendemain, sur les 26 compétences relationnelles que je travaillais avec mes élèves, 19 devenaient interdites ou impossibles à enseigner dans le nouveau contexte imposé. J’ai sonné l’alarme.
Je l’ai sonné à plusieurs reprises au cours de l’année qui a suivi et surtout, de façon très détaillée, le 12 avril 2021.
Volontairement ou contre leur gré, les intervenants du milieu scolaire véhiculent aujourd’hui une culture de peur de l’autre et des microbes, de distanciation, de masques, de dénonciation, de pointage du doigt, de contrôle excessif, d’isolement, d’exclusion et de séparation. Les impacts sur les jeunes sont désastreux.
Je suis inquiet pour le présent des jeunes.
Je suis inquiet pour leur avenir.
Je suis inquiet pour leur développement.
Je suis inquiet pour le manque d’humanité dans notre accompagnement.
Je suis inquiet du manque d’humanité dans l’éducation que nous leur transmettons.
Je suis inquiet pour les humains que nos enfants deviendront.
Parce que je suis inquiet pour nos enfants, j’ai signé la lettre ouverte du Collectif du personnel scolaire pour un retour à la normale dans les écoles.
Parce que je refuse de participer à un système d’éducation qui impose aux enfants des règles non justifiées, pernicieuses et délétères pour leur développement, je ne suis pas retourné enseigner.
Dans une société saine, les adultes protègent les enfants. Ce ne sont pas les enfants qui doivent protéger les adultes.
Comme enseignant et ancien étudiant en médecine, j’ai tenté de protéger vos enfants. Sur mon site Questionnons les médecins, vous trouverez toutes mes réflexions et la plus grande partie du travail que j’ai accompli entre le printemps 2020 et l’été 2021 pour protéger vos enfants.
Marc-André Paquette, toujours enseignant à la maternelle dans mon coeur