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« C’est assez! » : des manœuvres de l’Éducation ont mis la santé publique en colère – RADIO CANADA

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Le ministre de l’Éducation du Québec, Jean-François Roberge.
PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

Des courriels révèlent une tentative d’influence dans le dossier québécois de la qualité de l’air à l’école.

 

Le ministère de l’Éducation du Québec a tenté d’influencer le ministère de la Santé pour qu’il laisse croire que la santé publique avait validé les tests de qualité de l’air à l’école, alors que c’était faux.

C’est ce que révèlent des courriels internes du ministère de la Santé, obtenus par Radio-Canada.

Le 22 février, le ministère de l’Éducation demande une modification à une réponse que s’apprête à faire la Santé à Radio-Canada. Ils veulent que soit ajouté que le processus de tests semble conforme.

Cette tentative provoque la colère du conseiller médical stratégique de la santé publique, Richard Massé, qui se sent instrumentalisé.

Là c’est assez! Je ne suis pas d’accord qu’on nous mette les mots dans la bouche … et je ne veux plus en entendre parler. […] Je ne suis pas d’accord pour écrire que « le processus semble conforme », car ce n’est pas notre mandat et ce n’est pas ce qui a été fait par l’équipe et/ou l’INSPQ.

Une citation de :Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique du directeur national de santé publique, dans un courriel daté du 23 février

On réalise que la santé publique n’a pas uniquement ressenti de l’« inconfort » en raison de ces fausses déclarations, elle était carrément fâchée.

Nous avons eu confirmation que ce rappel à l’ordre a été immédiatement signifié au responsable des relations de presse du ministère de l’Éducation, lui-même en communication permanente avec le cabinet du ministre Roberge.

Or, le 9 mars, le cabinet du ministre a réaffirmé dans les médias que la santé publique a donné son aval au processus de tests de qualité de l’air.

Et le 23 mars, à l’Assemblée nationale, c’est le ministre Roberge qui a déclaré : Les protocoles ont été faits en partenariat et sur recommandation de la santé publique […] validée par la santé publique.

Or, comme l’a révélé Radio-Canada le 1er avril, la santé publique n’a jamais donné son aval. L’Institut national de santé publique (INSPQ) le confirme le jour même en rappelant qu’il a eu des réserves importantes concernant ces tests. Nous apprendrons plus tard que l’avis des experts de santé publique n’a pas non plus été suivi.

Un des courriels du Dr Massé l’établit d’ailleurs de façon claire.

Nous avons fait plusieurs commentaires et nous n’avons eu aucun retour par la suite.

Une citation de :Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique du directeur national de santé publique, dans un courriel daté du 23 février

Un protocole controversé qui a mis le gouvernement dans l’embarras

Le docteur Richard Massé assis durant une conférence de presse.

Le Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique à la direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

La semaine du 1er février, Jean-François Roberge s’entretient au téléphone avec Richard Massé. Les deux hommes évoquent le fait que beaucoup de turbulences entourent ce dossier.

À l’époque, les tests de dioxyde de carbone (C02) menés dans les écoles dans le cadre de la pandémie sont critiqués dans les médias. Plusieurs experts jugent que la méthode n’est pas rigoureuse. Parmi les trois mesures de qualité de l’air, une est prise avant l’arrivée des élèves et l’autre, les fenêtres ouvertes.

À la fin janvier, Radio-Canada cherche à savoir si la santé publique a bel et bien validé ce protocole controversé.

Dans les courriels obtenus, on découvre les coulisses de la préparation de la réponse des relations médias du ministère de la Santé à notre question.

On comprend en les lisant que la responsable des relations de presse du ministère de la Santé Marie-Claude Lacasse se retrouve prise entre l’arbre et l’écorce. Elle veut répondre la vérité, mais sans mettre trop dans l’embarras ses collègues de l’Éducation.

Le 17 février, elle écrit à ses supérieurs :

Ce dossier nous occupe de nouveau, car le journaliste (Thomas Gerbet) est de retour de vacances cette semaine […] Je crois qu’on peut avancer que la santé publique refuse de dire qu’elle a approuvé ou validé le protocole. […] La santé publique n’a pas eu la demande de développer ceux-ci [les tests] avec eux.

Marie-Claude Lacasse poursuit : Merci de me dire si cela vous convient. Ça devra ensuite être discuté avec le cabinet et le ministère de l’Éducation (qui ont dit qu’on avait validé le protocole…).

J’ai communiqué avec mon vis-à-vis au ministère de l’Éducation pour lui parler de cet enjeu. De son côté, c’est son cabinet qui avait demandé l’ajout de la mention que la santé publique avait validé le protocole. Il va me revenir, si on répond selon ma réponse proposée, ce sera au ministère de l’Éducation d’expliquer qu’ils se sont mal exprimés.

Une citation de :Courriel de Marie-Claude Lacasse à ses supérieurs du ministère de la Santé, le 18 février.

Le cabinet du ministre met en cause le sous-ministre

Portrait d'Alain Sans Cartier.

Le sous-ministre à l’Éducation Alain Sans Cartier travaillait auparavant au Conseil exécutif, le ministère du premier ministre. Il est passé par l’Action démocratique du Québec (ADQ).

PHOTO : POSTES CANADA

Pourquoi le cabinet a-t-il dicté l’ajout du terme validé au porte-parole du ministère alors que c’était inexact?

Le ministère de l’Éducation nous avait dit que les protocoles avaient été validés. Donc, il était normal d’utiliser ce terme, répond à Radio-Canada le directeur stratégique du ministre de l’Éducation, Jean-François Del Torchio. C’était l’information dont nous disposions.

En date du 9 mars encore le sous-ministre nous affirmait que le protocole était validé.

Une citation de :Jean-François Del Torchio, directeur stratégique du ministre de l’Éducation

Le cabinet du ministre nous a fait parvenir un courriel du sous-ministre à l’Éducation Alain Sans Cartier, daté du 9 mars, adressé notamment à Jean-François Roberge, où il écrit que le ministère a fait valider ses protocoles par la santé publique.

« Lorsque nous avons été informés par le ministère d’utiliser un autre terme, nous l’avons fait, affirme M. Del Torchio.

Une erreur « de bonne foi », selon le ministère

Nous avons questionné le responsable des relations de presse du ministère de l’Éducation, Bryan St-Louis, qui avait reçu les directives du cabinet et tenté de faire modifier la réponse de sa collègue de la Santé.

Le ministère avait d’abord interprété les commentaires de la santé publique sur le protocole comme une validation  explique-t-il. Le mot validé a alors été utilisé par l’ensemble du ministère.

Il s’agissait d’une erreur de bonne foi qui a été reconnue publiquement. Le ministre a d’ailleurs précisé ses propos.

Une citation de :Bryan St-Louis, porte-parole du ministère de l’Éducation du Québec

Nos échanges avec le ministère de la Santé visaient à ce que notre positionnement reflète la nature des échanges qui avaient eu lieu, explique-t-il.

Le ministre Jean-François Roberge a aussi plaidé l’erreur de sémantique et admis qu’il aurait pu être plus précis.

En avril, les partis d’opposition ont demandé la démission du ministre et déposé une plainte pour outrage au Parlement en affirmant qu’il avait induit les députés en erreur.

Le président de l’Assemblée nationale a alors conclu que le ministre ne l’avait pas fait sciemment.