Michel Girard
26-10-2021
Si la forte hausse de l’inflation, soit 5,1 % au Québec et 4,4 % dans l’ensemble du Canada, maintient ce rythme au fil des prochains mois, tout le monde va passer dans le tordeur économique.
Non seulement les biens et produits nous coûtent plus cher, mais en plus, l’inflation entraînera les taux d’intérêt à la hausse, rendant ainsi plus coûteux les emprunts de tout acabit. Voici pourquoi.
Pour contrer les pressions inflationnistes, les banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine ou la Banque du Canada, disposent d’une arme efficace, soit la hausse de leur taux directeur respectif.
Si tel est le cas, les prêteurs institutionnels (banques, caisses, etc.) emboîteraient le pas et hausseraient les taux d’intérêt de toute leur gamme des prêts hypothécaires, personnels, commerciaux, etc.
- Écoutez la chronique de Michel Girard au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB Radio:
Malheureusement, les ménages à revenu faible et même ceux à revenu moyen vont y « goûter » davantage en raison de leurs finances personnelles serrées. Les plus aisés financièrement, eux, verront leur marge de manœuvre financière se faire ronger par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt.
Au nombre des grandes victimes potentielles d’une hausse des taux d’intérêt, on retrouvera évidemment les ménages dont le niveau de dettes par rapport à leurs revenus après impôts est élevé.
Si le taux directeur de la Banque du Canada grimpe de 2 points de pourcentage lors des deux prochaines années, cela signifie que les taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires et les prêts personnels grimperaient d’autant.
Dans le cas d’une hypothèque, une hausse de 2 points de pourcentage se traduira par une augmentation d’environ 100 $ par mois (1200 $/an) par tranche de 100 000 $ d’hypothèque
amortie sur 25 ans.
Bien entendu, les prêts personnels coûteront forcément plus cher si leurs taux grimpent de deux points de pourcentage. La hausse serait d’environ 550 $ par tranche de 10 000 $ d’emprunt à rembourser sur 5 ans.
Concernant les émetteurs de cartes de crédit, j’ose croire qu’ils n’auront pas le culot d’augmenter leurs scandaleux taux actuels (autour de 20 %). S’ils ont eu la mauvaise idée de ne pas réduire leurs taux d’intérêt des cartes de crédit en proportion de la forte baisse du taux directeur de la Banque du Canada, en contrepartie il faudrait qu’ils aient la bonne idée de ne pas les augmenter lors de la hausse prochaine dudit taux directeur.
L’un des pires ennemis de la Bourse et du marché obligataire, c’est… l’inflation, à cause de son impact à la hausse sur les taux d’intérêt.
Explications. Advenant une augmentation marquée des taux d’intérêt, les investisseurs pourraient liquider une partie importante de leurs portefeuilles d’actions et de fonds d’actions au profit de titres à revenu fixe d’intérêt, comme les obligations, les dépôts à terme. Par conséquent, la Bourse risque de se corriger à la baisse.
Cela dit, on dispose d’un solide coussin. Depuis un an et demi, la Bourse est en feu ! Selon les rendements d’indices financiers compilés par la firme Aubin Actuaire Conseil, le baromètre de la Bourse de Toronto (S&P/TSX) a explosé de 35 % au cours des 18 derniers mois se terminant le 30 septembre dernier. Pour sa part, le S&P 500 de la Bourse de New York a généré une hausse de 42,8 %.
Et la hausse boursière s’est poursuivie ce mois-ci. C’est donc dire que tous les épargnants qui ont placé une portion de leurs économies en Bourse en ont largement profité. Sur papier, s’entend.
Soyons tout de même réalistes. Les grands gagnants de la Bourse ce sont les « riches » aux poches profondes qui ont les moyens de se permettre de prendre des risques. Les gens à faible ou moyen revenu n’ont pas cette liberté… d’action, étant aux prises avec des fins de mois serrées.
Autre conséquence d’une augmentation des taux directeurs des banques centrales : pour se financer, les émetteurs d’obligations, tels les gouvernements (Québec, Ottawa, municipalités, sociétés d’État) et les entreprises, seront contraints de verser aux investisseurs un rendement d’intérêt plus élevé sur leurs nouvelles émissions d’obligations.
Par ricochet, cela aura pour effet d’exercer une pression à la baisse sur la valeur marchande des obligations actuellement en circulation dans le marché obligataire.
D’ailleurs, en cette période d’anticipation d’un resserrement prochain de la politique monétaire aux É.-U. et au Canada, on a vu le marché obligataire baisser depuis le début de l’année 2021.
Exemple : l’indice univers des obligations canadiennes a reculé de 7 % et l’indice des obligations canadiennes à long terme a chuté de 12 %.
Seule bonne nouvelle pouvant être générée par l’augmentation des taux d’intérêt : les institutions financières seront « contraintes » de relever le rendement minable qu’elles nous offrent actuellement sur nos dépôts bancaires et certificats de placement garanti (CPG).
Alors que nos CPG rapportent actuellement autour 0,50 % pour le terme d’un an et autour de 1,1 % pour le terme de cinq ans, l’inflation, elle, galope à 5,1 %.
Les détenteurs de CPG sont d’autant perdants que ces rachitiques revenus d’intérêt sont pleinement imposables par Québec et Ottawa.
Voilà pourquoi une hausse du rendement des CPG sera appréciée par les amateurs des placements ultra conservateurs comme les CPG, les obligations d’Épargne-Placements Québec, etc.