La famille Desmarais a des millions de dollars en jeu à l’Institut de cardiologie de Montréal.
La riche famille Desmarais a donné beaucoup d’argent à l’Institut de cardiologie de Montréal, mais cette générosité pourrait devenir très payante pour elle aussi.
• À lire aussi: Les ministres se renvoient la balle pour les données de santé
• À lire aussi: La «vente» des données de santé est déjà amorcée
En grattant sous la surface de généreux dons, notre Bureau d’enquête a découvert que des intérêts financiers importants sont en jeu pour les Desmarais à l’Institut de cardiologie de Montréal.
La famille multimilliardaire possède des intérêts financiers dans un médicament développé à partir de recherches subventionnées effectuées à l’Institut de cardiologie depuis 2015.
Hier, notre Bureau d’enquête a révélé que France Chrétien Desmarais et un proche de la famille, Alain Gignac, avaient mis sur pied l’organisme Precinomics pour partager les données médicales des québécois avec les compagnies pharmaceutiques. Le tout, en collaboration avec le directeur du centre de recherche l’Institut de cardiologie, le Dr Jean-Claude Tardif, un autre proche de la famille.
On dit du dalcetrapib qu’il est révolutionnaire pour les patients atteints de problèmes cardiaques.
Un montant de 30 à 50 millions $ est investi par le bas de laine des Québécois, la Caisse de dépôt et placement, dans DalCor. Le gouvernement subventionne également les recherches effectuées à l’Institut à coups de millions.
Des amis
Un curieux mélange de philanthropes, de médecins, d’entreprises privées et de personnes étroitement liées a des intérêts mutuels dans ce projet. La majorité des gens à qui nous avons demandé des explications n’ont pas voulu nous parler.
Pourtant, alors que des fonds publics financent la recherche, ce sont une entreprise privée et ses actionnaires qui empocheront l’éventuel profit.
- André Desmarais, jusqu’à récemment grand patron de la multinationale Power Corporation, est l’un des deux actionnaires fondateurs de DalCor, qui détient les droits de commercialisation du dalcetrapib.
- Au cours des dernières années, M. Desmarais a tissé des liens étroits avec le Dr Jean-Claude Tardif, directeur de la recherche à l’Institut de cardiologie, tout en faisant des dons. Les deux hommes se côtoient régulièrement en privé.
- Comme chercheur ayant travaillé sur le médicament, le Dr Tardif s’est vu octroyer des actions dans DalCor.
- Si jamais l’étude clinique de l’Institut sur le dalcetrapib s’avère un succès, cela pourrait rapporter une somme importante à MM. Desmarais et Tardif ainsi qu’aux autres actionnaires de DalCor.
Ils en mènent large
Notre Bureau d’enquête a découvert que les Desmarais et plusieurs de leurs proches (de même que de nombreuses entreprises qui leur sont liées) en mènent très large à l’Institut de cardiologie de Montréal (voir l’infographie de deux pages ci-contre pour mieux comprendre).
Au cours des dernières années, Power Corporation a même organisé, à ses frais, des réceptions à son siège social pour les récipiendaires de la Médaille d’honneur remise par la Fondation de l’Institut de cardiologie.
André Desmarais n’a pas voulu commenter. Du côté de Power Corp, le vice-président, Stéphane Lemay, a indiqué que « Power Corporation n’a aucun lien direct ou indirect, passé ou présent, avec la société DalCor Pharmaceutiques. En ce qui a trait à l’Institut de cardiologie, Power est fière d’apporter son soutien depuis plusieurs années à cette organisation de classe mondiale ».
La directrice de DalCor, la Dre Fouzia Laghrissi Thode, n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues.
- Le centre de recherche porte le nom de la famille Desmarais, dont la fortune dépasse les 3 milliards de dollars. On ne compte plus les activités de financement et événements caritatifs organisés par cette famille au profit de l’Institut de cardiologie de Montréal depuis une vingtaine d’années.
Une vraie toile d’araignée
Les Desmarais et leurs proches possèdent ou administrent plusieurs entreprises privées qui tournent autour de l’Institut de cardiologie et bénéficient de fonds publics. L’un des principaux donateurs à l’Institut, André Desmarais, est également l’un des trois actionnaires d’une entreprise qui détient les droits de commercialisation d’un médicament découvert à l’Institut.Si vous cherchez un bracelet. Il y en a pour tous les looks, du près du corps au structuré, des poignets à la chaîne. chain bracelet et des poignets.
Famille très impliquée
- En 2014, le centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal a été rebaptisé Centre de recherche Famille Desmarais.
- En 2015, on a rebaptisé la banque de données cliniques qui devait atteindre 30 000 patients du nom de Cohorte hospitalière André et France Chrétien-
Desmarais de l’Institut. - Entre 2001 et 2008, Mme Chrétien-Desmarais a occupé la présidence du conseil d’administration de la Fondation de l’Institut de cardiologie de Montréal. Elle siège au C.A. depuis 1996.
- André et son épouse France ont donné plus de 6 M$ à la Fondation de l’Institut depuis 10 ans.
- France Chrétien-Desmarais a reçu la médaille d’honneur de la Fondation en 2008 et André Desmarais en 2011.
- Selon un article du magazine L’Actualité, France Chrétien-Desmarais— a fait des appels au gouvernement en 2015 pour éviter que l’Institut de cardiologie soit fusionné au sein d’un Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS). Elle a nié être intervenue. L’Institut est resté indépendant.
DES RISQUES POUR L’INSTITUT DE CARDIOLOGIE
Les apparences de conflits d’intérêts impliquant la famille Desmarais, ses entreprises et l’Institut de cardiologie de Montréal entraînent un risque pour la réputation de l’établissement, selon un chercheur.
« C’est le danger d’avoir un donateur trop fort. Parce que tu deviens sujet aux volontés de ce donateur, même non intentionnellement », dit le directeur des programmes de bioéthique de l’Université de Montréal, Bryn Williams.
Selon lui, il faut un vrai mur pare-feu entre les grands donateurs et les directeurs d’hôpitaux pour éviter d’influencer la recherche.
Dans le cas de l’Institut, l’expert estime qu’il y a un risque.
« On est dans un environnement où, à cause de ces liens d’intérêts et de proximité avec la direction, les chercheurs seniors et les donateurs, il y a un aveuglement des normes de bonne gouvernance et de gestion des conflits d’intérêts », dit-il.
l’Université de Toronto
Bryn Williams rappelle un cas célèbre survenu à l’Université de Toronto, à qui la compagnie de médicaments Apotex avait promis un don record de 92 millions $.
Dans les années 1990, lorsqu’une chercheuse a découvert un risque durant les essais cliniques d’un médicament d’Apotex, les responsables de l’Université et de la compagnie ont tout fait pour étouffer ses découvertes.
L’affaire a eu des répercussions partout au Canada et même ailleurs dans le monde.
Décisions biaisées par l’argent
Pour le professeur Williams, le risque actuel, c’est que les décisions de l’Institut de cardiologie soient « biaisées par l’argent ».
Il se questionne également sur le fait que le directeur du centre de recherche de l’Institut de cardiologie, le Dr Jean-Claude Tardif, ait refusé de répondre aux questions de notre Bureau d’enquête.
« Si tu refuses d’expliquer quels sont tes liens, même si tu n’as pas de lien, tu donnes l’impression que tu as quelque chose à cacher », selon lui.
Il juge aussi sévèrement les investissements du Dr Tardif dans un projet de recherche qu’il dirige.
Finalement, il s’interroge sur le rôle de chien de garde du comité d’éthique et de recherche (CER) de l’hôpital qui doit gérer les conflits d’intérêts potentiels.
« Ma recherche sur les CER et les conflits d’intérêts a démontré qu’ils sont très peu formés pour gérer des conflits d’intérêts. Ils ne vont pas nécessairement être en mesure de connaître qu’il y a des influences au niveau institutionnel, parce que ce n’est pas déclaré dans le protocole de recherche », conclut-il.