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M. Legault, une enquête publique est inévitable – Le Journal de Montréal

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Les Québécois voudront comprendre comment se sont prises les décisions qui ont eu tant d’impact sur leur vie, de la perte d’emploi au report d’opération en passant par le développement de leurs enfants.
 

Après plus de 10 000 morts et bon nombre de questions en suspens sur le degré de préparation et les stratégies déployées par la Santé publique, François Legault ne pourra pas s’en sortir. Il devra, à un moment ou à un autre, déclencher une enquête publique sur la gestion de la pandémie.

Lorsque l’opposition a réclamé pour la première fois un tel exercice public, François Legault a cru qu’il pourrait s’en sauver en annonçant une enquête plus ciblée de la commissaire à la santé. Plus efficace. Plus rapide. Mais même s’il y a aussi des enquêtes du coroner sur les décès survenus au CHSLD Herron, et de la protectrice du citoyen, elles sont toutes circonscrites à la gestion des soins et de l’hébergement des aînés.

La flambée des cas et les conditions inhumaines dans lesquelles ont été laissés des êtres chers qui sont morts sans un minimum de dignité en CHSLD constituent assurément le pic de la tragédie vécue depuis mars 2020.

On doit d’abord tenir une enquête publique pour eux.

Mais le Québec doit aussi faire un examen plus large de ce qui s’est passé dans un véritable exercice de reddition de comptes transparent.

Tant de questions se posent.

Est-ce que la Santé publique était suffisamment préparée et outillée pour faire face à une telle crise ?

Est-ce que les achats d’équipement ont été faits assez tôt ?

Les pouvoirs exceptionnels de dépenser du gouvernement en situation d’urgence ont-ils donné lieu à des abus ?

A-t-on exagérément restreint les libertés des citoyens au vu des résultats à atteindre ?

Les stratégies de dépistage, testage, vaccination étaient-elles les bonnes ?

Les lacunes exposées

Le souci d’efficacité plaidé par François Legault, qui a demandé le rapport de la commissaire Joanne Castonguay pour septembre prochain, ne peut pas soustraire le gouvernement à son devoir d’un examen de crise approfondi.

Un exercice public révélerait des carences structurelles et organisationnelles qui devraient être corrigées par la suite.

Il pourrait y avoir un certain prix politique à payer pour le gouvernement, si les faiblesses de sa gestion étaient exposées. 

Mais si la tenue d’une commission d’enquête publique entraîne des années de travaux, comme le dit François Legault, cela implique que ses conclusions seraient dévoilées après les prochaines élections. Et la population risque de faire preuve de compréhension à l’égard du premier ministre qui s’est retrouvé bien malgré lui à conduire les destinées d’une nation en pleine tempête, cruelle et inédite. Par ailleurs, le précédent gouvernement libéral serait forcément écorché aussi, puisque les diminutions de budget et la centralisation sous le tandem Philippe Couillard-Gaétan Barrette ont eu des effets importants sur le fonctionnement de la Santé publique.

La loupe sur la Santé publique

Un examen mettrait probablement en lumière la gestion approximative des scientifiques qui ont conseillé le gouvernement. Malgré des plans rédigés à la suite du H1N1, ils n’avaient jamais vécu une telle situation autrement que par hypothèse. On l’oublie un peu, mais les scientifiques de la Santé publique sont davantage des experts en prévention, plutôt habitués à lutter contre le tabagisme et l’obésité qu’à traquer un ennemi mortel, ravageur et invisible.

Il faudra faire cet examen. Sans pudeur. Pour ne plus être pris autant au dépourvu et en payer le tribut à coup de milliers de morts.

S’il refuse de le faire, le gouvernement donnera l’impression qu’il a des choses à cacher. Le premier ministre croit peut-être qu’une fois le pire derrière eux, les Québécois, le cœur à la fête, n’auront pas la tête à disséquer la période la plus sombre de leur vie. Il est vrai que nous aurons probablement collectivement envie de passer à autre chose.

Mais faire l’économie d’une radiographie de ce qui s’est passé pourrait être tellement coûteux plus tard, je vois mal comment on pourrait s’en passer.