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Me Nicolas Turp. Photo : Site web d’ImmKel
Par : Delphine Jung | Le : 2021-03-18 15h00
Un avocat soutient qu’un article de la Loi sur la santé publique sur l’état d’urgence est contraire au principe démocratique et qu’il prive les Québécois de démocratie… |
Ce n’est pas le premier qui tente de défier le gouvernement et de passer par la voie juridique pour faire sauter la mise en place des mesures sanitaires imposées pour lutter contre la propagation de la COVID-19.
Pour avoir des chances de l’emporter, Me Nicolas Turp, un avocat montréalais spécialisé en droit de l’immigration, a décidé d’attaquer la Loi sur la santé publique. Il estime qu’elle prive les Québécois de démocratie.
Il exige que la cour déclare inconstitutionnel l’article 119 de la Loi sur la santé publique, peut-on lire dans sa demande introductive d’instance en jugement déclaratoire, dont Droit-inc a obtenu copie..
Dans sa requête déposée le 12 mars à la Cour supérieure du Québec, ce diplômé en droit de l’Université McGill rappelle qu’entre le 20 mars 2020 et 10 mars 2021 le gouvernement a adopté 51 décrets supplémentaires concernant le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire québécois.
Problème selon lui, l’Assemblée nationale n’a jamais été invitée par le gouvernement à donner son assentiment à la déclaration d’état d’urgence sanitaire, à ses renouvellements et à l’adoption de mesures qui résultent finalement d’une délégation de pouvoirs législatifs au gouvernement et au ministre de la Santé et des Services sociaux.
À qui le pouvoir?
Que le pouvoir exécutif s’empare du pouvoir législatif de la sorte est pour Me Turp, problématique dans une démocratie. En France par exemple, la situation est similaire et suscite un malaise au sein de la classe politique.
Plusieurs députés ont déjà haussé le ton sur le fait que si un nouvel état d’urgence est adopté jusqu’au 1er juin 2021, le Parlement n’aura plus son mot à dire jusqu’à cette date.
Au Québec, si l’Assemblée nationale ne peut déléguer ses pouvoirs législatifs, cela ne peut se faire que dans des limites raisonnables, rappelle l’avocat en citant l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Re George Edwin Gray, (1918).
Si l’article 119 de la Loi sur la santé publique prévoit que le renouvellement de l’état d’urgence doit être obtenu par l’Assemblée nationale, il ne prévoit pas, selon l’avocat, des débats et des contrôles automatiques et ponctuels par l’Assemblée nationale.
« La limite prévue à l’article 122 L.s.p., soit le désaveu par un vote de l’Assemblée nationale d’une déclaration d’état d’urgence sanitaire ou tout renouvellement, ne remédie pas à ces manquements », peut-on encore lire.
Plus largement, Me Turp estime qu’il s’agit-là d’un manquement à la démocratie, « un principe constitutionnel directeur fondamental, tel qu’il appert du paragraphe 32 de l’arrêt de la Cour suprême du Canada ».
Le respect du principe démocratique exige un processus permanent de discussion, dit l’avocat, et l’exécutif devrait toujours être responsable devant les assemblées législatives ce qui devient difficile dans la situation d’état d’urgence actuelle.
Par ailleurs, ce que souligne Me Turp, c’est le manque de discussions qui entoure la prise de décision de la part du gouvernement québécois en ce moment. Il rappelle en substance que l’Assemblée législative représente le peuple.
« L’article 119, al. 1 L.s.p. ne prévoit aucun processus permanent de discussion, et outrepasse le principe d’un gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale, a fortiori lorsqu’un état d’urgence sanitaire est déclaré pour une période maximale de 10 jours et renouvelé ad infinitum », indique-t-il dans sa requête.