Photo: Josh Edelson Archives Agence France-Presse
Agence France-Presse à New York
Plusieurs autorités américaines ont accusé mercredi Facebook d’abuser de sa position dominante et de ses coffres bien remplis pour évincer la concurrence et ont réclamé à la justice de forcer le groupe à se séparer d’Instagram et de WhatsApp.
Les pratiques anticoncurrentielles du réseau social nuisent aux consommateurs en leur laissant moins de choix et en amenuisant la protection de leurs données privées, affirment la Commission de la concurrence américaine (FTC) et les procureurs représentant 48 États et territoires du pays dans deux plaintes distinctes. Elles laissent aussi aux annonceurs peu de choix pour placer leurs publicités.
Les plaignants reprochent particulièrement à Facebook les rachats de l’application Instagram (en 2012, pour 1 milliard de dollars) et de la messagerie WhatsApp (en 2014, pour 22 milliards). Ils s’en prennent aussi aux conditions imposées par Facebook aux développeurs de logiciels.
Vie privée
Les procureurs réclament pour leur part d’être prévenus de toute acquisition supérieure à 10 millions de dollars que le réseau social voudrait faire. Ils appellent aussi la justice à éventuellement contraindre Facebook à se séparer de certaines filiales ou activités.
« En utilisant les vastes ressources à sa disposition en matière de données et d’argent, Facebook a écrasé ou entravé ce que l’entreprise considérait comme des men », a déclaré la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, lors d’une conférence de presse. Ce faisant, le groupe « réduit les choix des consommateurs, étouffe l’innovation, dégrade la protection de la vie privée de millions d’Américains », a-t-elle estimé.
Or, plus de la moitié des Américains se connectent à Facebook chaque jour, a rappelé Mme James. Et pendant qu’ils passent du temps à échanger sur le réseau social, « Facebook passe son temps à surveiller les utilisateurs et leurs informations personnelles et à en profiter ». « Aucune entreprise ne devrait avoir un tel pouvoir sur nos informations personnelles et nos interactions sociales sans contrôle », a dit la procureure.
Des accusations similaires avaient été lancées à la fin des années 1990 contre le groupe informatique Microsoft. Après près de trois ans de procédure, le ministère de la Justice n’était toutefois pas parvenu à démanteler la firme.
Accusations de monopole
Facebook a toujours rejeté les accusations de monopole, arguant que les consommateurs ont beaucoup de choix sur la façon d’interagir en ligne. De Twitter à YouTube en passant par TikTok, Snap, WeChat, Triller ou Reddit, il existe de fait plusieurs autres réseaux sociaux d’ampleur. Mercredi, Facebook a dénoncé une « histoire révisionniste » et a promis de se défendre « vigoureusement ». D’autant, fait valoir la société, que les acquisitions mises en cause ont bien reçu le feu vert des autorités de la concurrence avant leur finalisation. Les particuliers et les entreprises ne choisissent pas d’utiliser Facebook « parce qu’ils le doivent », mais « parce que nos applications et nos services offrent le plus de valeur », a indiqué Jennifer Newstead, responsable juridique chez Facebook.
« Prédateur sans vergogne »
Pour Christopher Sagers, professeur de droit à l’Université publique de Cleveland, les plaintes présentées mercredi sont « importantes et ambitieuses ». Si le groupe a bien été critiqué pour avoir mal protégé les données de ses utilisateurs, il a longtemps bénéficié d’une certaine clémence quant à ses pratiques anticoncurrentielles alors même qu’il « s’est comporté comme un prédateur sans vergogne et cherchant à exclure dans tous les secteurs dans lesquels il a été impliqué », estime-t-il.
Les procédures sont aussi intéressantes parce qu’elles visent des acquisitions d’entreprises qui n’entraient pas en concurrence directe avec Facebook. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont d’une façon générale dans le collimateur des autorités américaines, qui les soupçonnent de profiter de leur position dominante pour écraser leurs compétiteurs. Le ministère de la Justice et onze États ont ainsi lancé une procédure à la mi-octobre contre Google, accusant le groupe d’abuser d’une quasi-hégémonie avec son moteur de recherche.